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Violences Sexistes et Sexuelles dans la Culture : Entre Faits Avérés, Rumeurs et Réhabilitation

Publié le 6 avril 2025 | Durée de lecture : 9 minutes

Catégorie(s) : Réflexions
Black Bile - Ephialtes (2023)
Olivier Jung

par Olivier Jung

On est un peu tombé sur notre derrière quand on a vu la nouvelle tournée mondiale de Marilyn Manson, d’abord sans date dans l’Hexagone. On avait même lu des « jamais il ne rejouera en France », et bien c’est tombé : il se produira à Paris, Nantes et Grenoble. On remerciera le groupe Alias pour ce joli coup de communication sans aucun esprit éthique, et à 60 balles la place debout, ce sera en plus assez lucratif, car évidemment, ce sera plein.

Les Intouchables Toujours Programmés

Rappelons un peu toute cette histoire glauque : accusé à partir de 2021 par Evan Rachel Wood et d’autres femmes de violences sexuelles, psychologiques et physiques. Plusieurs plaintes ont été déposées, certaines classées sans suite, d’autres toujours en cours. Manson n’a pas été condamné à ce jour, mais de nombreuses voix s’élèvent contre sa présence dans l’industrie. Évidemment, grâce au système judiciaire américain qui permet de se sortir d’un très mauvais pas par le cash, ce cher monsieur Brian Warner de son vrai nom a réussi à passer à travers les gouttes, et il y a fort à parier que tout s’arrêtera là. Un très grand nombres d’artistes, qui l’ont côtoyé, ont travaillé avec lui ont témoigné en expliquant et sans aucune équivoque que Manson avait des comportements totalement inappropriés avec les femmes et les rares qui l’ont défendu avaient très clairement un intérêt financier à le faire.

On était déjà scandalisé de voir la tournée de Rammstein se poursuivre sans souci, après le scandale qui a éclaté autour de son chanteur, Till Lindemann, accusé en 2023 par plusieurs femmes d’avoir organisé un système visant à sélectionner des jeunes femmes dans le public pour des rapports sexuels en coulisses, potentiellement sous influence. Aucune plainte n’a pour l’instant débouché sur une condamnation, mais les témoignages sont nombreux et accablants. On parle d’une enquête de plusieurs années par l’un des plus grands journaux d’investigation allemands. Ce type a pu bénéficier de l’omerta d’un système qui ne peut se passer d’une cash machine comme Rammstein. Till Lindemann et son projet solo modestement nommé Lindemann sont programmés en juin prochain au Hellfest puis à l’Adidas Arena à Paris en novembre 2025. À noter que ces concerts sont à présent interdits aux mineur·e·s. Sans commentaires.

On continue dans le monde des intouchables, avec Ronnie Radke, chanteur du groupe Falling in Reverse. Condamné dans les années 2000 pour complicité d’homicide involontaire après une bagarre ayant causé la mort d’un homme. Il a également été accusé de violence domestique (2012), d’agression sexuelle (2015 – classée sans suite), et de violences physiques sur le public. Radke est aussi régulièrement critiqué pour ses propos transphobes et misogynes sur les réseaux sociaux. Malgré cela, il reste une figure centrale du metalcore américain et continue d’être programmé dans de nombreux festivals majeurs. Après un passage très remarqué à l’Accor Arena en 2024, et une presse française complaisante ou dans le déni, Falling in Reverse sera à l’affiche de festivals européens tels que le Rock am Ring, When We Were Young, Inkcarceration, So What?! Festival, et en France du Hellfest 2025. Décidément, ça devient une convention. Apolitique évidemment…

L’Industrie de la Musique : Complice ou Incohérente ?

Lorsque l’on interroge les structures qui décident sciemment de programmer ces artistes, et celles·ceux cité·e·s sont les plus connu·e·s car les cas sont bien plus nombreux, la réponse est unanime : « nous ne sommes pas des juges ». L’idée n’est pas d’être un juge, un jury ou un avocat, l’idée c’est d’être responsable. Comment dans un sens un festival comme le Hellfest peut prôner l’inclusion, qu’il réussit brillamment, mettre en place des protocoles de prise en charge de violence sexiste et sexuelle (Hellwatch, Hellcare) et d’un autre côté programmer de tels individus, et de façon récurrente, c’est totalement incohérent et cela provoque dans l’esprit collectif une diminution des faits, une béatification de la médiocrité, en gros « si ils les programment, c’est que tout ça doit être faux ». Et ça, c’est une catastrophe pour toutes les victimes, les familles des victimes, et une victoire pour tout un système qui peine à survivre uniquement par l’honnêteté. Le Hellfest devrait être un exemple de transparence et de cohérence, de par sa renommée et son image internationale, mais force est de constater que plus les années passent, moins le message passe et pour moi, il ne passe plus du tout. De l’exemple, ce festival est devenu quelque chose qui ressemble plus à un·e adolescent·e en crise d’identité qui ne souhaite que faire parler de lui·elle.

Les Cas Historiques

Les histoires de violences faites aux femmes ne datent pas d’aujourd’hui, évidemment, elles ont toujours fait partie de l’industrie culturelle, avec pour chaque cas des traitements différents, allez savoir pourquoi.

Bertrand Cantat, leader du groupe Noir Désir, condamné en 2003 pour l’homicide de sa compagne Marie Trintignant. Bien que sa peine ait été purgée, son retour sur scène (notamment via Détroit) a déclenché de vives controverses. Des concerts ont été annulés sous pression du public et de collectifs féministes. Ce qui pour ma part m’interroge dans ce cas précis, c’est qu’il y a eu aveu, condamnation, peine purgée, et pourtant la réhabilitation n’est pas accordée, ce qui remet en cause le principe même de la justice. Si après avoir purgé sa peine, on n’a pas le droit à une seconde chance, à quoi sert la justice, mettez une balle dans la tête comme faisaient les staliniens et l’affaire est réglée. Entendons-nous bien, il a été coupable, il le sera toute sa vie, mais j’aime à croire que dans une démocratie le droit à un nouveau départ est possible, surtout quand on a respecté toutes les étapes des sanctions. Et je dis ça comme ça, mais je n’aime pas ce type.

Michael Jackson, le « Roi de la Pop » a fait l’objet de multiples allégations d’abus sexuels sur mineur·e·s tout au long de sa carrière. En 1993, une première accusation a été portée par Jordan Chandler, 13 ans, qui a abouti à un règlement financier à l’amiable. En 2005, Michael Jackson a été jugé pour des accusations similaires concernant Gavin Arvizo, également âgé de 13 ans. Après un procès médiatisé, il a été acquitté de toutes les charges. Plus récemment, les documentaires « Leaving Neverland » (2019) et « Leaving Neverland 2: Surviving Michael Jackson » (2025) ont relancé les débats en donnant la parole à Wade Robson et James Safechuck, qui affirment avoir été abusés par le chanteur durant leur enfance. Ces révélations ont entraîné des poursuites judiciaires en cours contre la succession de Jackson. On est typiquement dans un système qui protège au bénéfice d’une industrie qui a profité de la famille Jackson pendant près de 40 ans. Comment peut-on laisser agir un pédophile de la sorte pendant tant d’années, c’est totalement inexcusable. Et pourtant, il n’est pas rare de voir des gens encore porter des t-shirts à l’effigie de ce monstre. Après tout, on pourrait faire de même avec l’Abbé Pierre, on pourrait faire une gamme spéciale été, avec la panoplie de plage, fashion.

D’autres cas plus ou moins médiatisés ont eu lieu et continuent de hanter les salles de spectacle pour certain·e·s, d’autres les couloirs de prison voire même les livres d’histoire. Comme Sid Vicious (Sex Pistols), impliqué dans la mort de sa compagne Nancy Spungen en 1978. Bien que les circonstances restent floues (et qu’il soit mort peu après d’une overdose), l’image de couple toxique et destructeur persiste comme mythe fondateur du punk. Une histoire que j’ai toujours rapprochée de l’affaire de Bertrand Cantat, deux junkies dans la même pièce, ça tournera mal.

Chris Brown, condamné en 2009 pour avoir agressé physiquement la chanteuse Rihanna. Plusieurs autres accusations ont suivi. Malgré cela, il reste une figure majeure du RnB et continue de remplir des salles dans le monde entier.

R. Kelly, condamné en 2021 pour trafic sexuel, pédopornographie et abus de mineur·e·s. Le cas R. Kelly reste emblématique des silences complices de l’industrie musicale pendant des années malgré des dizaines de signaux d’alerte.

XXXTentacion, avant sa mort, il faisait face à plusieurs accusations de violences domestiques, dont une plainte très documentée de son ex-compagne. Sa carrière a explosé après sa disparition, malgré son passif trouble. Battez votre femme, faites-vous abattre et vous deviendrez une légende, un bel exemple.

Twiggy Ramirez (alias Jeordie White), ancien bassiste de Marilyn Manson et du groupe A Perfect Circle, accusé en 2017 de viol par son ex-compagne Jessicka Addams. Il a été écarté du groupe peu après les révélations, mais n’a jamais été jugé. Sa carrière est finie mais il est blanc comme neige. C’est un type que j’ai rencontré personnellement, j’étais accompagné d’une femme et le regard du prédateur était flagrant, glaçant.

Les autres cas notables

La liste des artistes condamnés·e·s ou non pour les mêmes types d’agressions, propos homophobes et bien pire encore est longue comme le bras, alors on va résumer rapidement, à vous de creuser :

Anthony Kiedis (Red Hot Chili Peppers) : le leader du groupe a été reconnu coupable d’attentat à la pudeur et d’exhibition indécente. Il a également admis avoir eu des relations sexuelles avec des mineur·e·s.

Theo Lengyel : ancien membre du groupe Mr. Bungle, il a été reconnu coupable en octobre 2024 du meurtre de sa petite amie, Alice « Alyx » Herrmann. Un enregistrement audio a capturé les derniers moments de la victime, suppliant pour sa vie.

Danny Carey (Tool) : en 2021, le batteur a été filmé en train de proférer des insultes homophobes lors d’une altercation à l’aéroport international de Kansas City.

Dr. Dre : le rappeur et producteur a agressé physiquement deux femmes dans les années 1990, incidents pour lesquels il a été critiqué bien qu’il n’ait pas été condamné.

Ozzy Osbourne : en 1989, le chanteur a tenté d’étrangler sa femme, Sharon Osbourne, et a été arrêté pour violences domestiques.

Moha La Squale : en juillet 2024, le rappeur a été condamné à trois ans de prison ferme pour des faits de violences conjugales et menaces de mort envers six de ses ex-compagnes, sur une période s’étendant de 2017 à 2021. Les victimes ont décrit un schéma de violences incluant des insultes, des menaces de mort, ainsi que des sévices physiques tels que des gifles et des étranglements.

Ibrahim Maalouf : en novembre 2018, le trompettiste franco-libanais a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et une amende de 20 000 euros pour agression sexuelle sur une collégienne de 14 ans, des faits remontant à 2013. Il a toujours nié les accusations, évoquant un « dépit amoureux » de la jeune fille.

Marc Gulbenkian (No One Is Innocent) : en mars 2022, une femme a accusé le chanteur du groupe No One Is Innocent, d’agression sexuelle lors d’un festival en 2017. Le parquet de Marseille a ouvert une enquête préliminaire suite à cette plainte. Marc Gulbenkian avait déjà été condamné par le passé pour des faits de violences conjugales.

Nekfeu (Ken Samaras) : en novembre 2024, l’ex-épouse du rappeur a porté plainte contre lui, l’accusant de violences psychologiques, physiques et sexuelles survenues durant leur relation de près de quatre ans. Nekfeu a contesté ces allégations, soulignant que certaines avaient été classées sans suite faute de preuves suffisantes.

Tim Lambesis (As I Lay Dying) : en 2013, le chanteur a été arrêté pour avoir tenté d’engager un tueur à gages afin d’assassiner sa femme. Il a plaidé coupable en 2014 et a été condamné à six ans de prison, libéré sur parole en 2016.

Punish Yourself, en octobre 2023, le groupe de metal indus toulousain Punish Yourself a annoncé sa dissolution suite à des accusations d’agressions sexuelles visant principalement son chanteur, VX. Ces accusations ont été reconnues par l’intéressé, conduisant le groupe à mettre fin immédiatement à sa carrière.

Till Lemoine (Guerilla Poubelle), en mai 2021, une enquête de Mediapart en collaboration avec le collectif #MusicToo a révélé des accusations d’abus, de harcèlement et de violences sexuelles. Trois anciennes compagnes l’ont accusé d’avoir exercé sur elles une emprise toxique, ainsi que d’avoir eu des rapports non consentis sans protection entre 2006 et 2008. Till Lemoine a contesté ces accusations.

Sexion d’Assaut, bien que principalement associé au rap, le groupe français a suscité une vive polémique en 2010 suite à des déclarations ouvertement homophobes. Un membre du groupe a notamment affirmé : « Nous sommes homophobes à 100% et nous l’assumons. » Ces propos ont conduit à l’annulation de plusieurs concerts et à des interdictions de diffusion sur certaines radios.

Ian Watkins, chanteur du groupe Lostprophets, a été condamné en 2013 à 29 ans de prison pour des crimes sexuels particulièrement graves, incluant des agressions sur mineur·e·s et la possession d’images pédopornographiques.

Justin Sane (Anti-Flag), en 2023, plusieurs femmes accusent le frontman du groupe punk américain Anti-Flag, de viol, coercition sexuelle et d’agressions sur mineur·e·s. Le groupe s’est dissous dans la foulée. Une action en justice est en cours.

David Ellefson, le bassiste et membre fondateur de Megadeth a été évincé en 2021 à la suite de la diffusion de vidéos explicites et d’accusations de grooming d’une mineur·e. Bien qu’il nie toute relation inappropriée, le groupe a officiellement mis fin à sa collaboration avec lui.

Axl Rose (Guns N’ Roses), en 2023, Sheila Kennedy, ancienne mannequin et actrice, a accusé Axl Rose d’une agression sexuelle présumée datant de 1989. Une plainte a été déposée à New York.

Decapitated (groupe de death metal polonais), en 2017, les quatre membres du groupe ont été accusés de viol collectif aux États-Unis. Arrêtés après un concert, ils ont plaidé non coupables et les charges ont finalement été abandonnées en 2018, faute de preuves suffisantes.

Et enfin, et c’est à mon sens le pire fou en liberté dans l’industrie musicale : Alex Terrible (Slaughter to Prevail) : accusé de propager des propos transphobes, et controversé pour un tatouage de symbole fasciste. Aucun cas de violence sexuelle connu à ce jour, mais un passé trouble avec des associations ultranationalistes russes, et on connaît le traitement des femmes quand l’armée russe (qu’il soutient) passe quelque part…

Conclusion

L’objectif de cet article n’est pas de dresser une liste noire, mais d’observer comment l’industrie – et le public – choisit de réagir (ou non) face à des cas de violences sexistes ou sexuelles. Certains artistes sont durablement écarté·e·s, d’autres, malgré des faits bien établis, continuent d’être programmé·e·s, diffusé·e·s, célébré·e·s. C’est un cas de conscience, comment on fait la part de l’homme et de l’artiste, je ne la fais pas, un homme fait partie de son art, ses habitudes, ses qualités et ses vices sont traduits dans ses œuvres, dire le contraire serait un déni total, et c’est une excuse qui n’a plus de sens. Et pourtant cela continuera, aussi longtemps que les fans se mettront des œillères, continueront à excuser les débordements de leurs idoles, quand ils cesseront leur complaisance, arrêteront de claquer des PEL pour les voir sur scène, l’industrie n’y trouvera plus d’intérêt commercial et ces pourritures tomberont dans l’abîme qu’ils méritent.


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